La Rue de l'Évêché
Troisième Maison Commune
Comment j'ai acheté la maison commune par Jean Martet
“Docteur !” m’écrirai-je. “Un pays où il y a de pareilles choses ne peut pas ne pas devenir mon pays ! Je veux une maison à Vaison !
“ Eh bien...nous allons vous chercher une maison. La première chose à faire…c’est d’en parler à M Fabre.
“Qui est M. Fabre ?
“C’est le maire de Vaison”
“Parlons-en vite à M. Fabre !”
Le lendemain même, dans la matinée, à l’heure de l’apéritif, à la terrasse du café du Siècle, sur la place Montfort, le Dr Barral me présentait à M. Fabre.
C’était un homme, lui aussi, de l’aspect le plus sympathique, grand, solide, qui respirait la santé et la bonne humeur.
… Georges, le patron du café, nous avait apporté nos trios vermouth-cassis. J’exposai à M Fabre, le projet que je venais de former.
"Voulez-vous la Vieille Mairie ?” me demanda-t-il.
“Où est-ce ?”
“Dans la Haute Ville.”
“C’est bien ?”
“Si vous achetez les vieilles maisons en ruines qui sont autour et si vous les transformez en jardins, ce ne sera pas mal. La bâtisse a servi de mairie jusqu’en 1909. A ce moment de la vie, le commerce cédant des places dans la Haute Ville à la Ville-Basse, les services municipaux ont été transférés dans celle-ci, dans une autre bâtisse, qui, sans avoir le cachet de l’ancienne, est aussi plus grande et plus pratique.”
‘Mais à qui appartient la Vieille Mairie ?”
“À la commune, donc !”
“Vous pourriez me la vendre, monsieur le Maire?”
‘Pourquoi pas ? Nous avons tout intérêt à attirer les Parisiens chez nous et à leur faciliter les moyens de restaurer nos vieilles demeures.”
“Vous me la vendriez cher ?”
“Une bouchée de pain !”
…Trois mois après, je devenais propriétaire de la Vieille Mairie…seulement, étant donné ce qu’il m’a fallu faire, dans la maison et autour, j’en suis aujourd’hui, en 1938, à cent quatre-vingt-dix-sept mille...
Sans compter les meubles, bien entendu,”
Extrait “Les Passes de Khayber” pp 41-43, Paris, 1940, Albin Michel 255p
Hostellerie Le Beffroi
Les Penitents Blancs
Ils sont habillés pour faire un acte de charité, pas pour faire de la publicité. S'ils vont avec leur cagoule aider une famille, la famille ne pourra pas remercier le cordonnier ; elle remerciera la confrérie. Donc c'est pour rester anonyme, pour faire une action.
Ils ne sont pas là pour dire :"Nous avons vu monsieur le marquis ! » Non. Monsieur le marquis a une cagoule comme les autres. Ça signifie qu'il y a des membres de l'aristocratie qui en faisaient partie, des membres de la noblesse. Ça ne veut pas signifier pas que tous les membres étaient nobles.
Il y avait d'autres confréries de Pénitents. Noir, Rouge, et les Gris, qui sont les plus anciens en France. Ils sont créés en 1226 à Avignon. Elle existe toujours. Elle s'appelait alors la Dévote et Royale Confrérie des Pénitents Gris d'Avignon. Une soixantaine de personnes en font encore partie. Ils animent deux cérémonies religieuses à Avignon et deux grandes processions extérieures. Ils travaillent aujourd'hui un peu comme le Lyons club ou le Rotary Club. Ils récupèrent des dons et les distribuent à des personnes. Aujourd'hui ils ont deux facettes : chiens pour aveugles et fauteuils pour handicapés.
Elle fut réparée en 1951, par les nouveaux propriétaires, la Famille Mouillefarine à laquelle on doit la majeure partie des restaurations de la partie Nord de la Haute Ville. La façade a été reconstruite en retrait en 1951 avec des éléments d’origine. La façade fut alors reculée de quelques mètres pour dégager le jardin d’accès actuel, clos sur la rue par une grille en fer forgé moderne (1963)

Le portail se compose de deux pilastres cannelés, surmontés d’un linteau, portant une inscription latine en lettres capitales gravées : FACITE FRUCTUS DIGNOS PAENITENTIAE (rendez méritants les fruits de notre pénitence). La porte baroque, lors de la remise en place du portail, a été substituée à une porte plus simple qui n’avait aucun caractère.
Le fait historique le plus intéressant fut la découverte au nord pendant les travaux de restes architecturaux d’époque romane avec au Nord une fenêtre du XIIe siècle à double arcade avec une colonne centrale très élégante. Jusqu’en 1951 elles sont obstruées.

Il est possible qu’il y eût à cet endroit, jusqu’à une date difficile à préciser une chapelle romane, ayant servi de base aux nouvelles constructions. Il existe d’ailleurs en sous-sol des caves ou celliers voûtés d’arêtes que l’on peut dater du XIIe siècle.
Dans la cour de l’Hôtel du Beffroi, on remarque des ouvertures datant du XVIe siècle, portes et fenêtres, avec claveaux marqués de l’insigne des Pénitents blancs croix dont la partie inférieure ancrée s’inscrit dans un cercle.
Rue Mouillefarine

Cette ruelle sans nom sur le cadastre de 1826 est devenue rue Mouillefarine.
Il y a trois hypothèses sur le nom Mouillefarine.
- Soit en lien avec le fait de “mouiller la farine" pour gagner du poids avant la livraison au four banal à quelques mètres de la rue, en fait de tricher sur le poids exact en ajoutant de l’eau à la farine.
- Soit vous mettez une pleine poignée de farine dans la bouche. Vous devez mouiller, saliver pour ne pas vous étouffer. La famille accepte que peut-être un de leurs ancêtres a été accusé à tort, qu'il a passé le supplice de Dieu, qu'il a réussi à mouiller sa farine et comme ça prouver son innocence. La famille est plutôt favorable à cette dernière explication.
- Soit après le grand-père de l’actuel propriétaire de l’Hostellerie du Beffroi qui s'appelait Mouillefarine. Il était venu à Vaison pour travailler la ligne de Chemin de fer Orange-Buis-les-Baronnies, inaugurée en 1907 et fermée en 1952. Il s’est intéressé à la Haute Ville alors délaissée, en y achetant plusieurs maisons en très mauvais état qu’il a rénovées.
Le Palais Episcopal

Ébauche de M. PIERRE BARRÉ
À flanc de colline, des voûtes en cerceaux abritaient les offices dont les portes, enfermées dans les murs et revêtues de pierre blanche avaient 10 pans de hauteur sur 5 de large (2,50 x 1,25) sauf celles de la cuisine (2 x 0,85) droites ou cintrées, à la convenance de son éminence.
Apposées sur le porche d’entrée, les armes du diocèse : le labarum [étendard impérial sur lequel Constantin avait fait mettre une croix et les initiales de J.-C., ndlr] dans un champ d’argent et deux lettres E. V. (Episcopatus Vasionensis) [« épiscopat de Vaison »].

Les manteaux des cheminées ornés de chambranles, sauf celui de la cuisine, faits de 2 piliers de pierre de taille propre à porter un arc de pareilles pierres de taille avec son petit four.
Un arc en moellon abritait, sous le premier étage, un escalier qui desservait ces offices, la salle basse est un vestibule, et encore au-dessous, la citerne et les caves.
C’est cet appartement nommé « Noble » que Mgr Pélissier mit à la disposition de Mgr Salviati lors de sa visite à Vaison en octobre 1760. Un autre appartement comportant une chambre à alcôve, celle qu’occupait l’évêque, et, à sa suite, un superbe « sallon » à manger, orné d’une magnifique tapisserie de cuir doré, verte et blanche à pilastres et à frises dorées.
Près de la chapelle, toujours au premier étage encore une chambre de domestique et un nouveau « sallon » où se trouvait la galerie de tableaux de son excellence, notamment la mort de saint Joseph attribué à François Trévisan, qui était célèbre au XVIIe et XVIIIe siècle.
Une Vierge à l’Enfant à l’oeillet (de Garofoli peut-être) deux paysages d’Anafi et une petite grotte de Parini et également quatre de ces petits tableaux dits « à la bambochade », de Casali le père (il y en avait d’autres du même maître dans les chambres).
Noble de bonne famille, Mgr Pélissier de Saint-Ferréol était, on le sait, très fortuné, et outre cette galerie et les autres tableaux dans les différentes pièces, l’appartement noble s’ornait d’un portrait du cardinal duc d’York, présent personnel de cette éminence qui avait consacré Mgr Pélissier.A côté de ce salon, il y avait en outre, toujours à cet étage, une bibliothèque, dont l’importance pour l’époque était une preuve de l’érudition de l’évêque de Vaison ; 251 volumes notamment toute l’oeuvre de son illustre prédécesseur, Mgr Genet du Garet, le janséniste.
La grande chambre du nord avec son grand Christ d’argent, sur une croix d’écaille, était encore au même étage ; un cabinet y était attenant où monseigneur entreposait ses armes : 2 fusils de chasse et une paire de pistolets avec encore un lit de repos. Ce cabinet donnait sur la garde-robe en noyer, à quatre portes et un couronnement, plus 2 grands coffres.
Au deuxième étage, encore un bel appartement que l’on nommait « Appartement haut », plus une chambre plus modeste. Cet étage semblait ne servir qu’en cas de nécessité.
Tout le palais était fait de pierres de taille, enduites et rustiques. Les portes avaient de bien fortes serrures, fermant à double tour avec une grosse clef et un bec de canne qui ne pouvaient s’ouvrir de dedans ou du dehors qu’avec un passe-partout.
En 1750, Mgr Pélissier avait fait pousser un parterre fleuri, et face au palais, sur la droite, ériger le pavillon du portier. À gauche, à l’angle, les écuries agrandies abritaient ses trois chevaux et son carrosse, sa chaise de poste et une chaise de main.
Un mot sur ce carrosse : orné de glaces peintes et dorées, il était recouvert intérieurement de velours vert ciselé. On ne sait peut-être pas que la couleur verte était celle des évêques.
La chambre du cuisinier sera rajoutée par Mgr Pélissier face à l’Ouvèze, et du côté du moulin à huile. Une première rampe était ornée de marches et une autre voûtée permettait de déposer à l’abri leurs seigneuries descendant de leurs carrosses.
Les écuries jouxtant la salle basse : une fontaine apportait l’eau puisée dans la fontaine du Dauphin, par 60 mètres de tuyaux (387 livres).
Le train de la maison : la livrée et la domesticité avaient toujours été observées par les évêques, du moins ceux qui étaient assez fortunés pour le faire.
On trouve déjà que, en l’an 1208, Mgr Rambaud de Flotte avait valet de cheval, cuisinier, maréchal, échanson, boulanger personnel, portier sénéchal, valets et servantes, etc. Monseigneur de Saint-Ferréol comptait environ 15 à 20 serviteurs au XVIIIe siècle. Pour mémoire, Mgr Bossuet avait eu une livrée de 50 domestiques.

Appartement et chambre donnaient sur une galerie, laquelle par un escalier permettait d’accéder à la tour. Une porte vitrée donnait sur un balcon de fer, et un peu en dessous, on trouvait la volière et deux galetas pour les domestiques. La tour elle-même contenait une horloge avec ses merlets en tuile, accessible par un escalier en limaçon, encore une petite chambre, « La Fenière », aussi nommée « Le Bouge du domestique », et d’où une trappe permettait d’atteindre les couverts.
Dès son arrivée dans son palais, Mgr Pélissier avait fait démolir la greffe, qui avait été transférée à l’hôtel de ville.
Une précision : Mgr Pélissier avait pris la précaution lorsqu’il meubla son évêché de faire dresser un inventaire par notaire, afin qu’après sa mort, tous ses biens reviennent à ses héritiers car, sinon, c’était le chapitre qui vendait à l’encan les biens de l’évêque décédé.
L’évêque précisait au surplus, que tout avait été « prêté » par sa famille, mais il faudrait plusieurs pages de cet ouvrage pour détailler tous les meubles, tableaux, argenterie, garde-robe et tout ce qui garnissait offices, cuisines et écuries.
Monseigneur Pélissier n’en avait pas terminé puisque en 1780, monsieur de Saint-Véran écrivit :
« Le beau palais est à mi-côté du rocher. L’aspect d’une rivière aux eaux claires rend le séjour délicieux en été : les agréments de l’évêché, la belle allure d’une allée couverte de tilleuls, qui y est attenante, procure aux évêques un logement qui réunit tout ce que l’on peut souhaiter. On y a fait construire de belles eaux, et Mgr Pélissier a décoré ce palais de verdure et de niches de très bon goût. On y va faire de plus grandes écuries accessibles. »[1]
[1] Ce texte est adapté d’un d’une ébauche de M. PIERRE BARRÉ (non publié) pour l’APHV en 1979.